Charles César Ritz: pris sur le vif
                                                                                         1953

                      

Le livre…

Le titre traduit bien l'intention de l'auteur qui rapporte à partir de son expérience vécue, illustrée de nombreuses anecdotes, tout ce qu'il a pu apprendre sur le comportement des poissons et la manière de les traquer..., d'abord l'ombre pour lequel il a manifestement un grand respect et qu'il a pêché en Autriche notamment, en compagnie de Hans Gebetzroither.. puis la truite, bien sûr qu'il a pêchée en particulier sur L'Avon en compagnie de Franck Sawyer qui l'initie à la nymphe à vue et au fil, ses conclusions font toujours suite à des anecdotes très démonstratives qui rendent de plus la lecture particulièrement agréable!
Vient ensuite une partie dédiée au matériel , et en matière de cannes, on a affaire à un "orfèvre", courbes à l'appui..et à la façon de l'utiliser, schémas à l'appui, le choix de la mouche, les différentes écoles de pêche,.....................
avant d'évoquer quelques "grands" en compagnie desquels il a pêché, et leur façon de faire.....Simonnet, le sabotier de Ney, un de ses premiers professeurs, garde pêche sur l'ain, qui a du prendre environ 100.000 poissons en 40 ans ,soit 7 par jour avec ses deux seules fameuses mouche, la rousse à corps rouge ou jaune et la grise à corps jaune ...Tony Burnand....qui pêche comme un poête et quasi toujours en lancer courbe..avec toujours le même moucheron gris plus ou moins gros......................
pour terminer par quantité de souvenirs qui nous emmènent de la Traun à la suède et au cercle polaire.....

Aéré, illustré de nombreux schémas et dessins, agrémenté d'une quantité d'anecdotes de pêche dans tous les coins du monde et de rencontres prestigieuses avec tout autant de célébrités du monde de la pêche, cet ouvrage indiscutablement très technique se lit comme un roman, d'autant que son écriture est de grande qualité........

L’auteur: Charles César Ritz 1891-1976

                                             

Petit fils de paysans valoisiens devenu familier des grands de ce monde, il est envoyé en 1917 par son père, le célèbre fondateur du palace Ritz, au Ritz Carlton de New York pour y faire son apprentissage de l’industrie hôtelière ! Il restaure pour augmenter son revenu des cannes a pêche récupérées chez des brocanteurs…et revint à Paris en 1927 expert en cannes a pêche !
Il deviendra, sans cesser d’administrer le premier hôtel du monde, avec l’aide de Pierre Creusevaut, après la guerre au cours de laquelle il pêche avec Hemingway, le génial inventeur des cannes en bambou refendu, notamment de la série « parabolic », fabriquées par Pezon et Michel dont il fut le conseiller technique , envoyées dans le monde entier et dont il offre un exemplaire à Eisenhower, … les dernières sont vendues en 1970!
Cet infatigable voyageur a pêché partout, en France, mais également sur le continent américain, il a traqué le saumon Canadien atlantique et pacifique, la requin à Agadir, les truites de mer et les saumons de Norvège, les truites et ombres de la Traun en Autriche , ,la Salza au Tyrol, l’Ammer en Bavière… Sa réputation de pêcheur à la mouche a rejoint à travers le monde celle de son hôtel en raison de la trace qu’il a laissée en matière d’enseignement du lancer, de perfectionnement des matériels et des techniques ! Il laisse en héritage un ouvrage co-écrit avec tony Burnand en 1938 « à la mouche » puis son bréviaire « pris sur le vif » sorti en 1953 en Français et édité depuis une dizaine de fois en anglais, allemand, italien et japonais !!
Après avoir participé pendant 20 ans à la mise au point des célèbres cannes à mouche Parabolic avec la maison Pezon et Michel, Charles Ritz, avec quelques amis, fonde coup sur coup entre 1956 et 1960 la revue "Plaisirs de la Pêche", l'association de protection des eaux et des rivières " Truites Ombres Saumons" et un club réunissant jusqu'à 80 pécheurs rencontrés à travers le monde, l'International Fario Club.
La revue " Plaisirs de la Pêche" disparue aujourd'hui après le suicide au début des années 2000 des Philippe Mathieu son directeur, était orientée vers la pêche à la mouche et comptait plusieurs milliers de lecteurs tous les deux mois
L'association T.O.S se nomme désormais l'Association Nationale de Protection des Eaux et des Rivières, elle édite un bulletin quatre fois par an et se porte au chevet de toutes les eaux malades en France.
L'International Fario Club s'est réuni une fois par an à l'Automne au restaurant du Ritz un samedi soir, le dimanche matin étant dévolu aux essais des nouveautés des cannes, moulinets et soies au Tir aux Pigeons.

Après le décès de Charles Ritz en juillet 1976, à 85 ans, aucun des membres du Fario Club n'a continué ces réunions amicales. C'est 20 ans plus tard que le club renaît sous l'impulsion de Madame Charles Ritz, et d’anciens membres Aujourd'hui le club organise tout les ans le Trophée Charles Ritz au Tir aux Pigeons, décerne le Prix Charles Ritz à une initiative en faveur de la protection de l'environnement, possède au siège une collection de matériels remarquables comme le moulinet rustique du Vicomte H.de France ou le prototype de la première canne Parabolic, ainsi qu'une . bibliothèque complète avec entre autres le n°1 du livre " Pris sur le Vif ". Après avoir longtemps fréquenté la Risle à Aclou, le club possède à présent son parcours de pêche accessible aux membres et à leurs invités sur les bords de la Charentonne

Mon opinion:...

ne peut que reprendre toutes les louanges qui ont toujours suivi la lecture de cet ouvrage...le tout parfaitement résumé par le préfacier,....son ami Léonce de Boisset.. dont je vous gratifie maintenant après vous avoir fait manger votre pain noir en premier.

.. « C’est le résultat des expériences et des observations qu’il a pu faire et rassembler au cours d’une pareille carrière de pêcheur qu’il a voulu condenser dans son livre !.............Il s’adresse surtout à ceux chez qui la passion de la pêche est déjà déclarée, à ceux qui ont une certaine pratique de l’art !..il n’est qu’un exemple rare d’expériences faites au cours d’une vie exceptionnelle de pêcheur, un compte rendu d’observations recueillies sur les eaux les plus diverses, un résumé de constatations prises « sur le vif » ainsi que l’indique l’heureux choix de son titre ! Charles Ritz ne compte que de amis parce qu’il est naturellement aimable. Comme pêcheur il n’a que des admirateurs….la lecture de cet ouvrage accroîtra le nombre des uns et des autres
                                                                                                                                                                                                     
Leonce de Boisset

                                                                                                                   Extrait

                                                                                                      PÊCHE DE NUIT SUR LA TRAUN

En 1938, alors que la pêche de la Traun appartenait au docteur DUNCAN et que ,sa densité en truites et ombres avait atteint son apogée (quantité et taille), j'ai eu la chance de passer avec Kustermann et le fameux Hans GEBETSROITHER une soirée inoubliable sur les profonds situés au-dessus de la pension Marienbrücke.........
Nous arrivons à 5 heures au Gasthof Marienbrücke de Mme HOPLINGER, où nous trouvons Hans qui nous informe que les truites et les gros ombres montaient très bien la veille et nous recommande d'être prêts pour sept heures au plus tard........... A l'heure exacte, nous embarquons dans le bateau de Hans. ......... Il fait encore trop jour pour pêcher les trous des gros. Je me place à l'arrière du bateau, Hans en tête avec son énorme perche, et nous remontons lentement ,le courant de la rive gauche à la recherche des premières montées.... Il commence à faire noir maintenant et Hans, qui ne quitte pas l'amont des yeux, s'écrie soudain: - Allons-y! Je viens d'apercevoir trois gobages, dont un au-dessus du poste de la grosse truite que j'ai repérée hier au soir! Il soulève l'ancre d'un mètre environ et laisse le bateau dériver lentement, reprenant de temps à autre contact avec le fond pour guider et redresser l'embarcation, mais avec beaucoup de précautions pour réduire les chocs au minimum.

Enfin, il immobilise la barque : - Herr Ritz, à vous le rond de droite, les autres sont des montées d'ombres. Je n'ai rien vu, Hans s'impatiente: - Dépêchez-vous, cette truite n'a pris que quatre fois hier au soir. La voilà de nouveau mais, cette fois, à un mètre plus en amont. Vu. Je pose trop long, laisse siller les mouches pendant trois mètres avant de décoller le bas de ligne le plus délicatement possible. La truite remonte, je représente, relève très lentement la pointe de la canne, le bras tendu pour éliminer toute action du poignet. - Ferrez! hurle Hans.Mais, avant d'avoir eu le temps de réagir, ma canne plie à casser. Le poisson s'est ferré tout seul à la descente: cas rare: ils recrachent presque toujours instantanément. Le moulinet se dévide très vite. Je tente un premier arrêt, mais en vain. La pointe du scion plonge dans l'eau. - Haut la canne, Herr Charles! L'émotion crée toujours un penchant d'intimité alors que, normalement, personne n'est plus réservé et plus protocolaire que Hans! J'essaye de relever la canne, mais mon poignet s'y refuse. Le moulinet a perdu toute la soie; heureusement, j'ai 50 mètres de réserve. Je n'ose estimer la taille du poisson, mais j'ai l"impression de tenir un saumon sur une canne à truite. Enfin, un léger temps d'arrêt, j'essaye de pomper, mais c'est comme si je tenais le fond. Subitement, nouveau démarrage suivi d'un choc brutal et du mou. - Cassé sur un roc, comme d'habitude. C'est la seule consolation que m'offre Hans!..............!

- A vous, Hen Ritz! me crie Hans. Une truite directement en aval du bateau, à 8 mètres! Comme d'habitude, je n'ai rien vu. Je lance sans résultat. - Herr Ritz, vous sillez trop tôt et déportez vos mouches trop à droite, une tirée de plus du moulinet! J'obéis et me voilà en pleine bagarre avec une truite!........... Trois fois, Hans essaye d'épuiser ma truite qui replonge chaque fois. Enfin, la voilà. Plus d'un kilo. Une superbe lachsforelle, venant du lac. C'est un de ces magnifiques poissons à la livrée d'argent marquée de croix noires, dont la vigueur est exceptionnelle............

Soudain, Hans saisit la chaîne: - Herr RITZ, prenez vite votre Parabolic compétition et vérifiez vos hameçons. Si vous avez des Sedges sur n° 8 changez de mouche. Je n'en ai qu'un, que j'attache en pointe. - Nous allons maintenant nous rapprocher du gros roc du centre, je crois avoir aperçu un rond. Si oui, attention: à cet ,endroit il doit y avoir un gros lachs, je l'estime à près de trois kilos, mais il ne monte pas tous les soirs, c'est un vieux cannibale. Et, croyez-moi, si vous l'accrochez, vous passerez un rude quart d'heure! Nous levons l'ancre et, par anticipation, je suis en transes!........... Nous voilà en place. Sur les indications de Hans, je tire quinze brassées de soie et je pose. Je suis très ému. La pensée d'un ferrage manqué me paralyse. Voilà mes mouches qui viennent de terminer les deux mètres de dérive prescrits par Hans, je lève très lentement la pointe de la canne, elle tremble et... je ressens une traction formidable. J'essaye de ferrer. Je suis bien accroché mais je donne quand même deux petits coups de pointe pour consolider la tenue de l'ardillon. Le moulinet chante! - Vous l'avez! Attention! La canne haute, placez-vous au centre du bateau, je lève l'ancre. Nous allons essayer de nous écarter du roc, il va certainement tenter de rejoindre son repaire sous le roc et ce sera la fin, comme d'habitude. Pour une fois le pessimisme de Hans n'est pas confirmé, et le poisson descend le courant à toute vitesse vers la passerelle du barrage. - Suivez-le, Hans, il faut que je reprenne du fil. S'il continue et se décide à changer de direction avant que je ne puisse le ralentir, la résistance de l'eau sur ma ligne risquera de me faire casser. Mais non! la ligne s'arrête. Suis-je encore cassé? Ma gorge serre. Non! car voilà, à 50 mètres à gauche, un bond formidable: un énorme lachs saute deux fois puis replonge et cale à fond. Le bateau s'est maintenant rapproché et, enfin, je le décolle du fond en pompant. Il repart mais je l'arrête à nouveau, et le voilà qui commence à tourner en rond autour du bateau, mais refuse quatre fois de se laisser remonter. J'ai mal au poignet et suis contraint à tenir la canne avec les deux mains. Tant pis! je tire à fond, il remonte ou je casse. Enfin, le voilà qui faiblit et se laisse remonter. Hans éclaire avec sa lampe et, soudain, nous apercevons une masse d'argent qui continue à lutter avèc désespoir. Enfin, après plus d'un quart d'heure d'angoisse, l'énorme épuisette de Hans plonge dans l'eau. Le lachs repose au fond du bateau, large, puissant, merveilleusement marqué: c'est un vieux mâle.

Hans yolde de joie: - La i tout! la i tout! Bravo, lieber Herr Charles!